13 Nov Vitamine D et parodontite
Cet article est principalement tiré d’une revue narrative de l’équipe de Botelho de Lisbonne. Vitamin D Deficiency and Oral Health: A Comprehensive Review. Botelho et al. Nutrients 2020, 12, 1471. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32438644/
Messages clés
La vitamine D est impliquée à plusieurs niveaux dans la santé buccodentaire. Inversement, un déficit en vitamine D, que ce soit par défaut d’exposition au soleil ou régime alimentaire inadapté, aggrave les pathologies buccodentaires et diminue les résultats des traitements.
De nouvelles découvertes éclairent petit à petit les mécanismes de cette association : outre le métabolisme osseux, dont on sait depuis longtemps qu’il est dépendant de la vitamine D, l’inflammation parodontale, l’activité autonettoyante des cellules humaines et la cicatrisation des chirurgies parodontales semblent influencées par le taux de vitamine D.
Introduction
La vitamine D est une hormone stéroïdienne. Les hormones stéroïdiennes sont une large famille de molécules circulantes dans le sang, aux effets très variés, et fabriquées par l’organisme à partir du cholestérol. Les plus connues sont probablement les stéroïdes sexuels, parmi lesquels on trouve la progestérone, l’œstrogène et la testostérone. La vitamine D forme un sixième ensemble d’hormones stéroïdiennes, mais elle est fabriquée par l’organisme seulement lorsqu’il est exposé au soleil. Elle est aussi présente en très petite quantité dans une courte liste d’aliments : saumon, maquereau et huiles de poisson.
Effets de la vitamine D
Les effets de la vitamine D sont très nombreux. Elle est impliquée dans le métabolisme osseux, et permet la fixation du calcium dans les os, ce qui la rend particulièrement importante pendant la croissance des enfants. Elle régule également la différenciation et la maturation de nombreux types de cellules. Elle est particulièrement importante pour l’expression des cellules du système immunitaire. Au total, la vitamine D serait impliquée dans l’expression de 5 à 10% du génome total, c’est-à-dire qu’un déficit en vitamine D pourrait compromettre le bon fonctionnement de 5 à 10% des fonctions assurées par l’expression des gènes, ce qui est considérable.
Déficit en vitamine D
Le déficit en vitamine D est très largement répandu dans la population mondiale. La cause principale est une sous-exposition au soleil en hiver. Elle peut également être due à un régime alimentaire inadapté, ou plus rarement à des désordres héréditaires d’absorption de la vitamine D. Enfin, certains médicaments compromettent l’absorption de la vitamine D : c’est le cas des médicaments donnés contre l’épilepsie, comme la phénytoïne ou le tegretol. Quelle que soit la cause, ce déficit en vitamine D a de lourdes conséquences en termes de santé publique, pour les enfants, les femmes enceintes, la prévention des infections, de certains cancers orofaciaux, mais aussi des deux principales maladies buccodentaires que sont la carie et la parodontite.
Vitamine D et santé bucco-dentaire
La carie et la parodontite sont des maladies multifactorielles, et parmi les nombreux facteurs impliqués, le déficit en vitamine D a récemment été identifié. Grâce aux dernières recherches, la compréhension de cette association ne se limite plus à la perturbation du métabolisme osseux, expliquant l’aggravation de la perte osseuse dans la parodontite. On a découvert que la vitamine D était importante pour l’odontogenèse, c’est-à-dire l’élaboration des dents dans l’enfance. Un déficit en vitamine D chez les enfants peut ainsi aboutir à une hypominéralisation des dents : il s’agit d’un émail poreux et plus susceptible à la carie, de plus en plus fréquent chez les enfants.
Vitamine D et santé parodontale
La parodontite, ou déchaussement des dents, est une maladie qui touche un patient sur deux en population générale. Les causes sont nombreuses et complexes. Parmi celles-ci, le déficit en vitamine D émerge, grâce aux preuves scientifiques accumulées. Certaines études comparant le taux circulant de vitamine D chez des patients atteints de parodontite et chez des patients sains ont montré que les patients qui souffraient de déchaussement avaient fréquemment des taux plus faibles. Ces taux faibles étaient également associés à une plus grande sévérité de la parodontite, et un plus grand nombre de dents perdues. Ces résultats restent toutefois à consolider par de nouvelles revues systématiques (compilations de données d’essais cliniques).
Vitamine D et inflammation parodontale
Derrière ces données épidémiologiques, autrement dit recueillies à l’échelle des populations, la compréhension des mécanismes biologiques à l’œuvre dans cette association progresse. Tout d’abord, la fonction autonettoyante des cellules humaines, appelée autophagie, est stimulée en présence de vitamine D, ce qui conduit à la diminution du taux de bactéries agressives dans le microbiote (Porphyromonas Gingivalis spécialement). Un bon taux de vitamine D apparaît donc comme utile pour lutter contre la dysbiose (déséquilibre du microbiote buccal en faveur des bactéries agressives) et restaurer un microbiote symbiotique (voir chapitre 1 sur le microbiote). De plus, la vitamine D semble diminuer la réponse inflammatoire en présence des bactéries responsables de la parodontite : les taux de cytokines, qui sont les médiateurs biologiques de l’inflammation dans les tissus, sont moindres chez les patients non carencés en vitamine D. Or ce ne sont pas les bactéries qui détruisent directement la gencive et l’os sous-jacent, mais bel et bien la réponse inflammatoire de l’organisme. C’est pourquoi cette découverte est particulièrement intéressante dans le cadre des traitements parodontaux.
Vitamine D et traitement parodontaux
L’apport d’un bon taux de vitamine D a été étudié dans la cadre des différents traitements parodontaux. Les traitements non chirurgicaux de la parodontite, le surfaçage radiculaire notamment, sont potentialisés par un bon taux circulant de vitamine D. De plus, la vitamine D favoriserait les résultats des chirurgies parodontales, et même des traitements orthodontiques. En effet, le mouvement orthodontique fait appel à un renouvellement cellulaire intense des tissus parodontaux autour de la dent en mouvement, et le turn over cellulaire est, comme nous l’avons vu, facilité par la vitamine D.
Conclusion
Le déficit en vitamine D est impliqué à plusieurs titres dans les pathologies buccodentaires : il augmente le risque de caries, de défauts de minéralisation des dents, de parodontite et d’échecs des traitements parodontaux. Ainsi, le maintien d’un taux adéquat de vitamine D au cours de la vie permet un meilleur développement et un meilleur maintien de la santé buccodentaire. Toutefois, les données scientifiques restent à consolider, tant au niveau épidémiologique (étude de population), qu’au niveau biologique (étude des mécanismes).