17 Oct Liens entre santé parodontale et santé générale
Cet article est principalement basé sur une étude de l’équipe du Pr Jean-Noël VERGNES de l’université de Toulouse, publiée en 2016. Monsarrat P, Blaizot A, Kemoun P, Ravaud P, Nabet C, Sixou M, Vergnes J-N. Clinical research activity in periodontal medicine : a systematic mapping of trial registers. Journal of Clinical Periodontol 2016; 43: 390–400. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26881700/
Messages clés
La santé générale a un impact sur la santé des gencives, et vice-versa.
Ce champ de recherche en pleine expansion, appelé « médecine parodontale », concerne au minimum 57 maladies, potentiellement liées à la parodontite.
Si le lien entre diabète, maladies cardiovasculaires et parodontite est identifié depuis longtemps, la recherche récente fait émerger de nouveaux liens entre santé buccodentaire et état de santé générale, comme la maladie d’Alzheimer ou certaines maladies auto-immunes (spondylarthrite ankylosante ou polyarthrite rhumatoïde).
Ces maladies bénéficient d’un nouveau remboursement de certains actes de parodontie par la Sécurité Sociale.
La santé parodontale, ou santé des gencives, est étroitement liée à la santé générale. Le lien est souvent bidirectionnel : c’est-à-dire qu’une maladie comme le diabète aggrave la parodontite (ou déchaussement des dents), et inversement la parodontite aggrave aussi le diabète.
Les mécanismes peuvent être de plusieurs ordres :
- Bactériémie : une gencive malade laisse passer les bactéries buccales dans le sang, d’où elles peuvent circuler dans tout l’organisme et avoir des effets à distance.
- Inflammation : une gencive malade est inflammatoire, et cette inflammation peut se diffuser à d’autres organes grâce à des médiateurs circulant de l’inflammation.
- Infections : les infections buccales, dans les dents ou les gencives, sont susceptibles de diffuser plus profondément dans l’organisme, et peuvent causer de gros dommages.
En 2013, la fédération européenne de parodontologie a organisé un premier workshop sur les rapports entre santé générale et santé parodontale. Les trois conditions de santé les plus liées à la santé parodontale sont : le diabète, les maladies cardiovasculaires, et la grossesse. On trouve à ce sujet de nombreuses informations sur le site de l’EFP, à destination des patients : https://www.efp.org/for-patients/home/
Une des conclusions du workshop était que ce champ de recherche était ouvert, et que de nombreuses pathologies devaient être liées aux maladies des gencives. C’est pourquoi Paul Monsarrat et son équipe, de l’université de Toulouse, ont décidé de faire une étude exhaustive de toutes les recherches qui pouvaient exister sur les liens entre santé générale et santé parodontale.
Après une conséquente recherche bibliographique, les auteurs ont trouvé que la recherche scientifique s’était intéressée à 57 maladies, potentiellement liées à la parodontite. Ces 57 maladies sont représentées sur l’illustration en tête d’article. Toutes ces maladies n’ont pas forcément un lien bidirectionnel avec la parodontite, comme le diabète, mais toutes font l’objet de recherches sur leur lien avec la santé buccodentaire.
Parmi elles, on trouve des maladies qui bénéficient de nombreuses recherches, plus de 30, comme le diabète, les maladies cardiovasculaires ou les maladies inflammatoires. Ensuite, on trouve les sujets d’importance intermédiaire, avec 5 à 30 projets de recherche, comme la grossesse, la polyarthrite rhumatoïde, les maladies respiratoires et rénales. Les autres maladies avaient moins été étudiées en 2016, mais certaines d’entre elles suscitent un engouement nouveau des chercheurs, parmi lesquelles on trouve les maladies neurodégénératives comme Alzheimer, des maladies auto-immunes comme la spondylarthrite ankylosante, ou encore des désordres fonctionnels moins graves comme les reflux gastro-œsophagiens.
Ce champ de recherche a été appelé par les auteurs la « médecine parodontale ». Son émergence date des années 1990, c’est-à-dire que la connaissance du lien entre état de santé général et état de santé parodontale est très récente. Ce sujet devient un élément central de la recherche scientifique parodontale, puisque jusqu’à un tiers de tous les articles scientifiques en parodontie concernent désormais ce sujet.
Et il devient également un élément central de la prise en charge chez le parodontiste. Pour établir un suivi adapté, le parodontiste aura besoin de connaître l’état de santé initial de son patient, mais aussi l’évolution de son état de santé. Par exemple, dans le cadre du diabète, il aura besoin de suivre les analyses de sang réalisées tous les trois mois.
Enfin, ces nouvelles données scientifiques ont été prises en compte par l’assurance maladie : depuis peu, certaines affections longues durées (ALD) bénéficient d’une prise en charge par l’assurance maladie de certains actes de parodontie.
ALD AVEC PRISE EN CHARGE DE CERTAINS ACTES DE PARODONTIE
ALD 5 = cardiopathies congénitales
ALD 7 = virus de l’immunodéficience acquise
ALD 8 = diabète de type 1 et 2
ALD 13 = maladie coronarienne
ALD 22 = polyarthrite rhumatoïde
ALD 27 = spondylarthrite ankylosante
Toutefois, l’analyse de ces données est accompagnée de mises en garde de la part des auteurs : un lien de causalité est complexe à mettre en évidence en médecine, et l’existence de recherches sur un sujet ne signifie pas automatiquement lien de causalité. La causalité en médecine est basée sur les critères de Bradford Hill, inventeur de l’essai contrôlé randomisé, et corédacteur de la célèbre déclaration éthique d’Helsinki. En définitive, il ne faut pas confondre corrélation et causalité, et se garder de toute surinterprétation des recherches en cours, notamment en terme d’indications de traitements.