Diagnostic de la péri-implantite

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Diagnostic de la péri-implantite

Cet article est principalement tiré d’une étude de l’équipe du Pr Mariano SANZ de Madrid.
Diagnosis of peri-implantitis in the absence of baseline data: A diagnostic accuracy.
Romandini et al. Clin Oral Impl Res. 2021;32:297–313.

 


Messages clés

Selon le dernier consensus de parodontologie de 2018, il existe deux moyens de diagnostiquer une péri-implantite. Le premier est de comparer les données cliniques et radiographiques aux données initialement relevées lors de la mise en fonction de l’implant. Le second est prévu pour pallier l’absence de données initiales, soit parce que le patient a changé de praticien, soit parce que le praticien ne les a pas enregistrées.

À notre connaissance, cette étude est la première à comparer ces deux méthodes diagnostiques. Les résultats sont éloquents : la première est très performante pour diagnostiquer les péri-implantites, y compris débutantes, alors que la seconde a tendance à ne pas détecter les cas débutants de péri-implantites, voire les cas déjà avérés.


 

La péri-implantite est une maladie des implants dentaires, qui ressemble à la parodontite sur les dents (ou déchaussement des dents). Ces deux pathologies partagent des causes communes, dont la plaque bactérienne, ou biofilm dentaire. La péri-implantite a été définie par le consensus de parodontologie de 2018. Il s’agit d’une inflammation des tissus de soutien de l’implant (os et muqueuse péri-implantaire), avec d’une part rougeur gonflement et saignement de la muqueuse et d’autre part atteinte irréversible de l’os de soutien. La péri-implantite est fréquente : elle toucherait 10 à 40% des implants.

 

Selon le dernier consensus de parodontologie, la péri-implantite est définie comme une augmentation de la profondeur de sondage (profondeur du sillon entre la muqueuse et l’implant, aussi appelée profondeur de poche : voir la rubrique bilan parodontal) couplée à une destruction osseuse (perte de la partie superficielle de l’os d’ancrage de l’implant), par rapport aux données initiales. C’est-à-dire que pour diagnostiquer une péri-implantite, il faut disposer de la radio et des mesures cliniques réalisées lors de la mise en fonction de l’implant. Il s’agit alors d’une preuve directe de la présence d’une péri-implantite.

 

Le problème est que le praticien qui cherche à diagnostiquer une péri-implantite ne dispose pas toujours de ces éléments, soit parce que le patient a changé de praticien, soit parce que les données n’ont pas été enregistrées lors de la mise en fonction de l’implant. Le consensus propose alors une définition de substitution : il s’agit alors d’une perte osseuse de 3 mm minimum et d’une profondeur de poche de 6 mm avec saignement.

 

Romandini et collaborateurs ont comparé ces deux méthodes chez 596 patients 9 ans après la pose de leur implant. Ils ont réalisé les deux méthodes diagnostiques chez tous les patients et comparé les résultats. La prévalence de la péri-implantite est dans cette étude de 45,2%. Ils ont aussi calculé la sensibilité et la spécificité du test diagnostic, pour différentes valeurs seuils.

 

La sensibilité est la capacité d’un test diagnostic à détecter les vrais positifs : autrement dit, un test diagnostic est performant avec une sensibilité à 100%, qui correspond à 100% des patients malades détectés comme tels. Inversement, une mauvaise sensibilité de 50% conduira à laisser 50% des patients malades non diagnostiqués.

 

La spécificité est la capacité d’un test à être négatif quand le patient n’est pas malade. Une mauvaise spécificité aboutit à de nombreux faux positifs, c’est-à-dire des patients non atteints de péri-implantite mais diagnostiqués comme tels. Une mauvaise spécificité engendre du surtraitement.

 

Tous les tests diagnostiques en médecine sont étudiés grâce à ces méthodes. Les statistiques permettent d’améliorer les tests et aussi de trouver les bons seuils quand les variables sont quantitatives : par exemple, dans le cas de la péri-implantite, le seuil de perte osseuse est de 3 mm selon la seconde définition du dernier consensus, et le choix de ce seuil a été fait grâce à ces travaux statistiques.

 


Focus sur la courbe ROC (Receiving Operating Characteristic)

Le graphique présenté en introduction de cet article est une courbe « ROC ». Il s’agit d’une représentation graphique de la sensibilité (en ordonnées) et de la spécificité (en abscisses) d’un test diagnostic pour un seuil donné.

Plus la courbe a une forme en L inversé plus le test est performant (bonne sensibilité et bonne spécificité). Inversement, plus la courbe est plate   et plus le test est de mauvaise qualité (mauvaise sensibilité et mauvaise spécificité).

Par conséquent, l’aire sous la courbe est un paramètre fortement corrélé à la performance du test diagnostic. Une aire sous la courbe de 100% (courbe ) indique une bonne capacité discriminatoire du diagnostic : 100% des malades seront identifiés comme tel et 100% des non malades idem. Inversement, une aire sous la courbe de 50% (courbe  ) signifie que 50% des malades ne seront pas diagnostiqués, et que 50% des non malades le seront.

La traduction en nombre de malades identifiés est une approximation, mais permet de comprendre comment interpréter ces courbes ROC, fréquemment utilisées en biostatistiques.

Dans notre exemple, on pourrait approximativement traduire les courbes ainsi : lorsqu’on dispose des données de départ pour diagnostiquer une péri-implantite, 96% des patients seront correctement diagnostiqués. Au contraire, lorsqu’on applique la seconde définition de la péri-implantite, en l’absence des données de départ, seuls 79% des patients seront correctement diagnostiqués.


 

Ainsi, la différence entre le diagnostic de la péri-implantite avec la première et la seconde définition est très importante. Le premier test est très performant, même pour des seuils de 0,5 mm de perte osseuse, c’est-à-dire pour des péri-implantites débutantes. À l’opposé, le second test, celui utilisé en l’absence des données de départ, est peu efficace, même pour détecter des péri-implantites avancées, c’est-à-dire avec une perte osseuse de 2 mm.

 

En conclusion, il est vivement recommandé de mesurer la profondeur de sondage et de prendre une radio dès la mise en fonction de l’implant (c’est-à-dire au rendez-vous où la couronne sur implant est installée). Pour ce faire, une fiche « prévention de la péri-implantite » est disponible.

 

Parallèlement, il faut informer les patients du risque de péri-implantite avant la pose des implants (prévention primordiale de la péri-implantite) et les informer de l’importance capitale du suivi après la mise en fonction des implants. Enfin, il faut leur communiquer les informations (radio et sondage : la fiche « prévention de la péri-implantite ») pour leur laisser la liberté de consulter un autre praticien, liberté garantie par le système de santé français.

 

Ainsi, le nouveau praticien sera en mesure de réaliser un diagnostic précis, et de mettre en place un suivi et une maintenance parodontale adaptés à son nouveau patient.



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