Cet article est principalement basé sur une étude de l’équipe du Pr Anton Sculean de l’université de Bern, publiée en août 2024.
Soft-Tissue Phenotype as a Risk Indicator of Peri-Implantitis and Peri-Implant Soft-Tissue Dehiscence—A Cross-Sectional Study.J Clin Periodontol. 2024 Aug 27.doi:10.1111/jcpe.14059. Online ahead of print.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/39189550/
Messages clés
Toute pose d’implant comporte un risque de voir apparaître une péri-implantite (déchaussement de l’implant pouvant aboutir à sa perte). Les deux meilleurs moyens de prévenir la péri-implantite sont la régularité des détartrages et le renforcement de la muqueuse péri-implantaire. Ces renforcements sont réalisés lors de la pose de l’implant, grâce à des greffes de gencive. Ces greffes sont fonction de la nature préexistante de la gencive, propre à chaque patient et à chaque dent.
Péri-implantite et mucosite : les maladies des implants dentaires
La péri-implantite est une maladie des implants dentaires, qui aboutit au déchaussement des implants, de la même manière que la parodontite aboutit au déchaussement des dents. La péri-implantite est précédée de la mucosite : il s’agit d’une inflammation de la muqueuse péri-implantaire, mais sans destruction osseuse, de la même manière que la gingivite irrite les gencives autour des dents sans abîmer l’os de soutien des dents.
Ces deux maladies sont des pathologies inflammatoires d’origine bactérienne : c’est-à-dire que les bactéries contenues dans la plaque dentaire agressent la muqueuse, qui devient rouge, gonflée et qui saigne parfois. Cette inflammation peut alors aboutir à la destruction des tissus de soutien de l’implant, et parfois même à la perte de l’implant. Chaque patient a ses propres bactéries, plus ou moins agressives, et aussi sa propre muqueuse, plus ou moins résistante. L’équilibre entre les agressions et les défenses s’appelle homéostasie (voir le microbiote buccal), et la rupture de cet équilibre aboutit aux maladies péri-implantaires.
Ces maladies sont fréquentes, et malgré de nombreuses recherches sur le sujet, les traitements restent pour l’heure d’une efficacité aléatoire, avec un pronostic parfois réservé. C’est pourquoi le diagnostic précoce et la prévention sont de première importance pour tout patient ayant bénéficié d’implants dentaires (voir diagnostic de la péri-implantite)
Recherches sur la muqueuse péri-implantaire
Parmi les pistes de recherche actuellement explorées, on trouve les caractéristiques de la muqueuse péri-implantaire. Cette muqueuse peut être fragile ou renforcée. On appelle muqueuse fragile une muqueuse fine, qui ressemble au tissu qu’on trouve à l’intérieur des lèvres et des joues. La muqueuse renforcée ressemble, elle, à la gencive, c’est-à-dire à un tissu « corné », comme la plante du pied par exemple, qu’on appelle « kératinisé ». Cette kératinisation renforce le tissu, et le rend plus résistant aux agressions mécaniques (mastication, mais aussi brossage) et aux agressions biologiques (bactéries de la plaque dentaire).
On sait qu’à agression égale, une muqueuse fine et fragile réagira par une inflammation plus forte et plus rapide qu’une muqueuse épaisse et renforcée par une greffe : on parle de profil inflammatoire des muqueuses fines. Ces résultats ont été confirmés par l’étude d’Isler et collaborateurs, publiée en août 2024. Ils ont analysé les caractéristiques de 456 implants chez 161 patients. Ces implants avaient en moyenne 6 ans, et la confrontation des marqueurs de l’inflammation aux caractéristiques de la muqueuse péri-implantaire a révélé une corrélation entre inflammation et finesse de la gencive.
Principaux facteurs de péri-implantites
Les résultats principaux de cette étude sont présentés dans l’illustration en tête de cet article. Le risque de péri-implantite est majoritairement corrélé à deux facteurs : la régularité des détartrages (maintenance parodontale) et la hauteur de gencive kératinisée.
Chez les patients qui ne font pas faire les détartrages régulièrement, et qui n’ont pas bénéficié de greffes de gencive autour des implants, le taux de péri-implantite dépasse 2/3 des patients, et le taux de patient en état de santé péri-implantaire n’excède pas 7%.
Inversement, lorsque les détartrages sont faits régulièrement (minimum 2 par an), et que des greffes de gencive ont été faite lors de la pose des implants, le taux de péri-implantite tombe à 22%, et celui de santé péri-implantaire grimpe à 53%.
Perspectives en recherche clinique
Pendant longtemps, l’objectif premier de l’implantologie a été l’ostéointégration et la survie des implants dans l’os. Puis, le souci principal a été l’intégration muqueuse des implants, c’est-à-dire que la muqueuse péri-implantaire devait avoir le même aspect que la gencive des dents adjacentes. Aujourd’hui, le défi majeur de l’implantologie est le maintien des résultats dans le temps, à savoir éviter les péri-implantites.
Les données issues d’étude transversales s’accumulent doucement, comme en témoignent les résultats d’août 2024 commentés dans cet article. Toutefois, il y a grand besoin d’études longitudinales pour débusquer les facteurs menant à la péri-implantite, et aussi les moyens de la soigner.
Perspectives en pratique clinique courante
Tout implant ne nécessite pas une greffe de gencive. Tout dépend de chaque patient, de sa gencive, de ses bactéries (microbiote) et de ses antécédents. Le risque de péri-implantite est maximal lorsque le patient a eu une parodontite avant, car ces deux maladies partagent la même cause (la plaque dentaire). En revanche, certains implants complexes peuvent nécessiter plusieurs greffes.
Le meilleur moyen d’éviter les complications et de faire réaliser un suivi rigoureux, grâce à une maintenance parodontale tous les 6 mois minimum. L’enregistrement des mesures initiales (suivi longitudinal : voir diagnostic de la péri-implantite) permet de détecter les problèmes plus précocement. Plus les péri-implantites sont détectées tôt, plus les traitements seront efficaces.