Cet article est principalement basé sur une étude d’Emilio Couso-Queiruga de l’université de Berne. Interproximal Soft Tissue Height Changes After Unassisted Socket Healing vs Alveolar Ridge Preservation Therapy. Int J Periodontics Restorative Dent 2024;44:521–533.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37471159/
Messages clés
Toute extraction dentaire est suivie d’une résorption de l’os, mais aussi de la gencive, et cette résorption complique le remplacement ultérieur de la dent, quelle que soit la technique choisie (implant, bridge ou appareil amovible).
La limitation de la résorption osseuse grâce au comblement de l’alvéole lors de l’extraction avec un matériau osseux (greffe d’os xénogénique) est documentée depuis de nombreuses années.
Depuis 2020, des données scientifiques commencent à montrer que le comblement limite aussi la résorption de la gencive, et notamment des papilles interdentaires, particulièrement compliquées à reconstruire lorsqu’elles ont disparu.
Le remplacement des dents manquantes par des implants dentaires est devenu une technique routinière de la dentisterie contemporaine. Toutefois, toute perte de dent s’accompagne d’une résorption des tissus entourant la dent, os et gencive. Et cette perte, lorsqu’elle est trop importante, complique la réhabilitation implantaire, et peut aboutir à des résultats inesthétiques (couronne sur implant trop longue ou absence des papilles).
De nombreuses techniques ont été proposées pour pallier ces défauts : prothétiques (modification du profil d’émergence, augmentation des surfaces de contact entre les dents, remontée du point de contact ou gencive en céramique rose), parodontales (greffes de gencive et/ou greffes d’os) ou encore orthodontiques (modification de la position verticale de la dent à extraire ou modification de la position des dents adjacentes).
Mais la stratégie la moins invasive reste la prévention, à savoir la limitation de cette perte osseuse et muqueuse. Cette prévention a obligatoirement lieu lors de l’extraction de la dent, car la résorption post-extractionnelle a principalement lieu dans les trois mois qui suivent l’extraction. C’est pourquoi les extractions dentaires atraumatiques se sont imposées comme technique de référence : il s’agit de retirer la dent avec le moins de traumatisme possible sur les tissus adjacents, d’utiliser des éponges de collagène pour faciliter l’établissement du caillot sanguin et de suturer systématiquement.
Ces extractions peuvent être accompagnées d’un comblement d’alvéole. Il s’agit de réaliser une greffe osseuse par comblement de l’alvéole avec de l’os xénogénique (c’est-à-dire de l’os le plus souvent bovin, traité industriellement pour pouvoir être implantable). Cette procédure chirurgicale est simple, reproductible et a un bon pronostic. On sait depuis des années qu’elle limite, sans l’empêcher complétement, la résorption osseuse post-extractionnelle.
Selon une revue systématique de Couso-Queiruga et collaborateurs de 2021, l’absence de comblement sur les sites molaires augmente de 50% les besoins en greffe osseuse complémentaire lors de la pose de l’implant, et de 70% sur les sites antérieurs. Or, ces greffes osseuses complémentaires lors de la pose de l’implant ont un moins bon pronostic et sont plus complexes à réaliser que les comblements d’alvéole (greffe osseuse lors de l’extraction dentaire atraumatique).
L’équipe de Couso-Queiruga, de l’université de Berne, a continué à travailler sur le sujet, et leurs derniers résultats montrent que le comblement de l’alvéole a aussi un effet bénéfique sur la gencive. Dans l’étude présentée sur l’iconographie ci-dessus, ils ont comparé les gencives de 96 patients, suite à une cicatrisation spontanée d’alvéole (49 patients) versus une alvéole comblée (47 patients). Les nouvelles données montrent que la résorption verticale de la gencive au niveau des papilles est de 2 mm sans comblement, et d’un seul millimètre avec comblement. Ces nouvelles données soulignent l’importance des techniques de préservation alvéolaire lors de l’extraction, et permettent aussi d’introduire la notion d’atrophie muqueuse lors de la résorption post-extractionnelle non contrôlée.
En conclusion, on sait désormais que les procédures de comblement d’alvéole lors des extractions atraumatiques sont bénéfiques pour la gencive autant que pour l’os, qu’elles diminuent les besoins en thérapeutiques complémentaires lors de la pose de l’implant, et qu’elles améliorent les résultats esthétiques et fonctionnels des traitements implantaires.