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Nutrition : un historique de l’alimentation industrielle à l’heure de la mise sur le marché de l’ozempic

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Messages clés

La qualité de la nutrition est importante pour la santé des gencives. Les preuves scientifiques des bienfaits d’une alimentation à base de produits frais et non transformés s’accumulent chaque jour. Inversement, la nourriture industrielle ultra-transformée est néfaste pour la santé dentaire, notamment à cause des sucres artificiels qu’elle contient.

Le diabète et l’obésité ont aussi un effet négatif sur la santé des gencives. Le contrôle de ces deux maladies est un enjeu de santé publique majeur.

Depuis peu, un nouveau médicament (le GLP-1 ou Ozempic) a été mis sur le marché et est déjà consommé par 7 millions d’Américains. Il permet de diminuer de façon importante la faim, et de perdre beaucoup de poids en peu de temps. Pourtant, d’après Bryan Byrne, journaliste au New York Times, la recherche sur le fonctionnement de ce médicament reste embryonnaire. Ce qui incite à privilégier d’autres solutions lorsque cela est possible, à titre de principe de précaution.

Ces autres solutions sont : la prévention par une alimentation équilibrée et une activité physique régulière. Ce sont ces solutions qui sont recommandées par les sociétés savantes, à commencer par la fédération européenne de parodontologie :

https://www.efp.org/fileadmin/uploads/efp/Documents/Campaigns/Perio_and_Cardio/Infographics/INFOGRAPHY-Perio_Cardio_01.pdf

Et pour se guider dans le dédale des produits alimentaires disponibles, le recours à une application de Que Choisir est conseillé :

https://www.ufcquechoisir-mp.org/application-quel-produit


Cet article est une adaptation traduite d’une enquête journalistique de Brian Byrne, pour le New York Times, publiée le 19 novembre 2024.

https://www.nytimes.com/2024/11/19/magazine/ozempic-junk-food.html

 

L’Ozempic et le Wegovy sont des médicaments récemment mis sur le marché, dont les effets recherchés sont une perte de la faim et une perte de poids rapide. Ils simulent une hormone naturelle, la GLP-1 (glucagon-like peptide 1), qui ralentit la digestion et signale la satiété au cerveau.

Environ 7 millions d’Américains prennent de la GLP-1 actuellement, et Morgan Stanley estime qu’ils pourraient être 24 millions en 2035. C’est plus du double que le nombre de végétariens et de vegan aux Etats-Unis, pays qui compte par ailleurs 100 millions d’obèses. Et ce médicament pourrait aussi être vendus aux patients non diabétiques et non obèses, car il semble diminuer la dépendance à l’alcool et à la cigarette. La recherche en est à ses débuts, mais ce médicament pourrait diminuer les risques d’accident vasculaire cérébral, de maladies cardiaques et rénales, d’Alzheimer et de Parkinson.

La perspective selon laquelle des dizaines de millions d’adultes diminuent leur ration calorique à moins de 1000 Kcal par jour (la moitié de la ration journalière recommandée pour un homme normal) inquiète l’industrie agroalimentaire. Fin 2023, Lars Fruergaard Jorgensen, le dirigeant du laboratoire Novo-Nordisk qui fabrique l’Ozempic, a déclaré à Bloomberg qu’il avait été contacté par cette industrie. John Furner, le directeur général de Wallmart, un des plus grands distributeurs alimentaires aux Etats-Unis, a constaté que les clients sous Ozempic remplissaient moins leurs caddies, notamment de snacks sucrés.

Les consommateurs d’Ozempic ne consomment pas seulement moins. Ils consomment différemment. Ils perdent ce qu’Amy Bentley, professeur en histoire de l’alimentation à l’université de New York, appelle le « palais industriel » : toute une gamme de préférences alimentaires, élaborée dès l’enfance, par une acclimatation à des saveurs artificielles et aux conservateurs. Les patients sous GLP-1 n’ont plus d’appétence pour l’alimentation transformée, c’est à dire les produits qui n’existent pas dans l’alimentation ordinaire : colorants, agents blanchisseurs, sucrants artificiels et féculents modifiés. Certains usagers ont constaté que ces aliments ultra-transformés, qu’ils adoraient avant, sont devenus répugnants pour eux. « Le Wegovy a détruit mes papilles gustatives, et j’adore ça ! » Certains consommateurs qui ne mangeaient que du fast-food n’ont plus d’appétit que pour des fruits et légumes frais. Ils découvrent le vrai goût des aliments non transformés et non emballés.

Kathleen Kenney, 54 ans, qui dirige une école d’escrime, a toujours été obèse. Ses parents ont vécu la grande dépression, et elle a été éduquée selon le principe « finis ton assiette ». Elle a perdu 45 kilos avec l’Ozempic, et ça a été facile selon elle, grâce à la modification de son appétit. Les gâteaux ultra-transformés qu’elle adorait ont désormais le goût de plastique, et elle ressent maintenant la surcharge en sucre de ces produits malsains.

Devant ces témoignages, les industriels de l’agroalimentaire se bousculent pour effectuer des recherches sur l’impact de ces médicaments sur leurs marques. « Le milieu entier est encore un peu étourdi devant l’ampleur de la révolution » dit Ashley Gearhardt, une chercheuse en addiction alimentaire de l’université du Michigan. Les industriels cherchent à changer cet effet en aubaine pour leurs ventes.

Par le passé, les industriels ont appris à s’approprier les marchés émergents à leur profit : en 1978 par exemple, Heinz a racheté Weight Watchers et en a tiré de grands bénéfices en ajoutant des cheesecakes à la gamme des produits amincissants. Cette acquisition a lancé une forte tendance dans les années 80 et 90 : Nestlé a lancé Lean cuisine (cuisine légère) et Chef America a proposé une version light de ses Hot Pockets (sorte de chaussons industriels) qui faisaient 30 calories de moins que la version originale.

L’obsession du public pour la perte de poids a conduit les industriels à mettre sur le marché des produits très bizarres : en 1996, Pepsi a commercialisé des chips de pomme de terre frites dans un substitut de graisse indigeste appelée Olestra, annonçant zero calorie. Problème : ce produit empêchait l’absorption des vitamines et provoquait une incontinence fécale. Ce produit est maintenant utilisé pour peindre des bureaux et lubrifier des pièces de moteur.

Plus récemment, les tendances « healthy » mises en avant par les industriels ont changé, et la mise en avant de produits contenant des anti-oxydants, des minéraux ou même des probiotiques continue, sans preuve de leur efficacité sur la santé lorsqu’ils sont ingérés dans des produits ultra-transformés.

Il y a peu de choses que l’industrie agroalimentaire n’a pas essayé pour faire consommer plus. Lorsque les ingénieurs se sont rendu compte que le craquement de la chips sous la langue augmentait le plaisir et la consommation, ils ont augmenté le croustillant de leur produit. Ils ont créé des sucres artificiels augmentant le pouvoir sucrant de plus de 100 fois par rapport au sucre naturel. Ils ont altéré la structure moléculaire du sel, pour le rendre plus rapidement absorbable par l’organisme et pour décupler la sensation de sel lors de l’ingestion de ces produits transformés. Ils ont également utilisé l’insipidité, pour augmenter la ration consommée de Mac and Cheese, de Popcorn ou de chips. Les graisses n’ont pas été épargnées : une fois travaillées en laboratoire, elles fondent à la température exacte qu’elles prennent sur la langue, suscitant un relargage accru de dopamine dans le cerveau, annihilant ainsi la sensation de satiété et maximisant le plaisir de les manger. Ainsi un Cheetos, lorsqu’il se désintègre innocemment sous la langue, dit au cerveau qu’il contient moins de calories que ce qu’il contient vraiment. Enfin, les fabricants utilisent des additifs masquant le goût de ces transformations. En d’autres termes, ils modifient d’abord le goût des aliments naturels avec des additifs, puis recourent ensuite à des produits chimiques masquant ces transformations.

Alors quels sont les bienfaits de l’industrie agroalimentaire ? L’alimentation a été rendue accessible et bon marché. En 1947, avant la révolution industrielle de l’alimentation, les Américains consacraient 25% de leur revenu disponible à l’alimentation. En 2023, cette part était de 11%, malgré une inflation galopante. Par ailleurs, le temps consacré à la préparation des aliments a été drastiquement réduit, libérant les consommateurs d’un fardeau domestique conséquent.

Le revers de la médaille est l’obésité. Le nombre de calories consommé par chaque américain a atteint un plateau depuis les années 2000, et l’activité physique a légèrement augmenté. Pourtant, le taux d’obésité a depuis gonflé d’un tiers. Dans ce dossier, l’alimentation est un coupable probable. Ces 25 dernières années, la consommation d’alimentation ultra-transformée a explosé. De récentes recherches sur le microbiote intestinal montrent que le microbiote consomme jusqu’à 22% de l’énergie ingérée pour une alimentation non transformée, contre 0% pour une alimentation industrielle. Autrement dit, à quantité calorique égale, l’alimentation transformée fournit un quart de calories supplémentaires.

L’adaptation de l’alimentation industrielle aux consommateurs d’Ozempic n’en est qu’à ses débuts. Nestlé leur propose déjà une gamme appelée Virtual Pursuit. Le principe en est pour l’instant une diminution des quantités, adossée à une communication ad hoc. Les industriels travaillent pour modifier leurs recettes. Car étonnamment, certains produits transformés restent attractifs pour ces consommateurs : c’est le cas des produits Fairlife, des milk-shakes sucrés et protéinés proposés par Coca-Cola.

Une des pistes plus récentes suivie par l’industrie est la compensation de la perte de muscles lors d’une perte de poids rapide : des régimes enrichis en protéines de lait sont proposés en petites portions. Un mozzarella stick grillé, dont les traces de grill peuvent être faits avec du caramel, est également enrichi en protéines. Les tortillas sont remplacés par des feuilles d’endive dans les tacos industriels, et enrichis d’un goût de citron. Les consommateurs d’Ozempic rapportent en effet avoir un appétit particulier pour les agrumes acides. L’industriel qui a imaginé ce taco ambitionne de le vendre à Taco Bell.

Mais GLP-1 change beaucoup plus que le métabolisme de la digestion. L’hypothalamus possède des récepteurs spécifiques au GLP-1, dans l’aire qui régule appétit et satiété, mais qui contrôle aussi le système de récompense (reward system) associé, et qui permet de saturer le cerveau de dopamine. Est-ce que le GLP-1 diminue l’appétit pour la junk food en supprimant ce shoot de dopamine ? Les données scientifiques manquent pour l’instant. Un chercheur en addiction alimentaire évoque un « trou noir » dans la compréhension des mécanismes de ce médicament.

Un ingénieur de chez Mattson, un développeur américain indépendant de produits agroalimentaires transformés, explique que la diminution de l’appétit va rendre la commodité de consommation plus importante : un consommateur de GLP-1 ne va pas passer des heures dans sa cuisine pour préparer un repas dont il ne va manger que quelques bouchées. Par ailleurs, ingurgiter les nutriments essentiels lorsqu’on réduit la quantité est plus difficile, l’enrichissement en protéines et fibres fait donc sens aux yeux de ces industriels.

Nicole Avena, professeure de neuroscience à l’université Mount Sinaï de New York, explique que les industriels arriveront non seulement à trouver les produits que voudront manger les consommateurs de GLP-1, mais qu’il est en plus plausible qu’ils arriveront à concevoir des produits qui rendront le médicament moins efficace.

Le journaliste du New York Times a aussi posé la question à Justin Shimeck, directeur exécutif de Mattson, qui a un PhD en science de l’alimentation, et qui a pour interlocuteur les plus grands des « Big Food ».  Justin Shimeck a commencé sa carrière dans les Lucky Charms, et est devenu un spécialiste des mousses. Il a inventé les marshmallows qui changent de couleur dans le feu, ou révèlent des messages cachés au contact du lait. Il est aussi personnellement concerné par le GLP-1, puisqu’il en est un consommateur. Il a perdu plus de 25 kilos, et n’a depuis plus d’irrésistible envie de latte ultra-sucrés. Justin Shimeck n’est pas particulièrement inquiet des recherches de Big Food sur le GLP-1, car selon lui, on ne peut pas exclure que les industriels soient animés d’un « honnête désir » d’accompagner la perte de poids des patients. Pour le reste, il ne commente pas les découvertes qu’on lui présente, à cause du secret professionnel.

Dernière péripétie en date de cette recherche embryonnaire : les utilisateurs de GLP-1 ont comme effets secondaires des désordres intestinaux, provoquant des diarrhées. La carence en fibre en est probablement la cause. Certains utilisateurs disent devoir se forcer à manger pour ne pas être carencés.  Les industriels ont donc proposé des aliments ultra chargés en fibres, comme des psyllium (plante utilisée comme laxatif). Selon Barb Stuckey, chef de l’innovation chez Mattson, ces fibres sont dégoutantes, mais l’industrie agroalimentaire est douée pour rendre les aliments attirants !

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